L’horloge tourne et c’est l’angoisse qui monte. Que fais-je de ma vie ? Quelle impression aurais-je si je devais mourir demain ? Serais-je en proie aux regrets ou aux remords ou bien pourrais-je partir le cœur léger ?
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Cette question, on se la pose toujours un jour et même pour certains tous les jours. Et je pourrais même m’avancer un peu en disant que la plupart d’entre nous ne pourraient pas partir demain, sans remords ni regrets.
Puisque notre vie est bâtie sur un éternel recommencement, celui d’aller chercher de nouveaux objectifs, les uns à la suite des autres, on n’a pas vraiment le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’ultime. Un accomplissement en appelle un autre qui est en soit la marque d’une forme de vacuité qu’on cultive parce qu’elle nous rassure.
Que se passerait-il si on décidait subitement de ne plus avoir d’objectif ? Du moins, un peu, en attendant de voir. Serait-ce une hérésie dans ce monde fait de battants qui en veulent toujours plus ? A-t-on seulement le droit de s’arrêter pour contempler la vie, c’est-à-dire contempler sa vie ?
L’atteinte d’un objectif n’est pas mauvaise en soi, tout au contraire, c’est la garantie d’acquérir confiance et optimisme dans nos capacités. Ne vivre la vie que sous le prisme de l’objectif est à mon sens un peu problématique. Tout peut-il vraiment être quantifié ? Que dire d’une pensée qui devient transactionnelle au lieu d’être vivante ?
Je m’explique, selon moi est transactionnel tout ce qui se fait avec l’idée d’un retour sur investissement. Cette pensée devient toxique lorsqu’elle s’applique à des sphères personnelles voire intimes de la vie. Il faut à mon sens garder une distinction entre le profane et le sacré. Il n’y a pas de mal à avoir une mentalité profane dans notre travail, surtout s’il s’agit d’un métier à caractère commercial. À près tout, un emploi ou un commerce que l’on possède sont là, en premier lieu, pour nous apporter une sécurité matérielle, il n’y a donc pas lieu de s’offusquer si on la recherche.
Le souci voire le sacrilège se produit lorsque le profane s’immisce dans des milieux où il n’a pas sa place, à commencer par la famille. Bien entendu, la famille, au sens anthropologique du terme a joué et joue toujours aujourd’hui (mais moins tout de même, cela dépend des pays) un rôle de sécurité sociale dans laquelle chaque membre a un rôle à jouer impliquant une certaine réciprocité. Je vous l’accorde. Cependant, j’ai du mal à me dire que la transaction devrait être la règle dans un espace qui pourrait tout aussi bien incarner la bienveillance et l’action désintéressée.
Dans les sociétés contemporaines dites “modernes”, le sacré semble avoir disparu, du moins l’usage de ce mot se fait de plus en plus rare. Cette disparition sémantique n’est pas anodine, elle témoigne d’un réel recul du sacré qui se fait grignoter par des valeurs mercantiles, donc profanes.
Pourquoi j’insiste sur la notion de sacré ?
Le sacré est ce qui nous rend humains, c’est une conscience intuitive d’une noblesse qui nous dépasse. C’est la raison pour laquelle le genre humain enterrait ses proches il y a plus de 100 000 ans au lieu de s’en débarrasser ou de les dévorer. Le lien qui unit les hommes ne doit pas être purement d’intérêt, au risque de faire de nous des automates mus par des algorithmes comptables.
Le mot sacré vient du latin “sacro” signifiant “Vouer à une divinité, consacrer, marquer d’un caractère sacré, sanctifier, honorer, immortaliser.“
Sans sacré, il n’y a pas d’éternité, il n’y a pas ce lien invisible qui nous lie avec les générations qui nous ont précédés et celles qui nous suivront. Sans sacré, il n’y a pas de continuité dans le temps de la conscience humaine. Lorsque l’on casse cette chaîne par une intrusion du profane, on se condamne à revivre une époque immémoriale dans laquelle l’homme était seulement un loup pour l’homme.
Vivre pleinement se résume à remettre du sacré là où il avait disparu
Pour partir le cœur léger et embrasser l’incertitude de l’au-delà, il faut avoir pu tisser les liens qui nous unissent dans le temps avec nos prédécesseurs et successeurs. Cela implique d’avoir fait germer la graine du sacré pour qu’elle puisse devenir une plante forte et robuste qui résiste aux aléas du temps. Concrètement, cela veut simplement dire que l’on a fait des “pauses” sacrées dans notre vie, que nous avons pu ralentir et nous éloigner de la frénésie qui accompagne une existence obnubilée par le prochain objectif. Quand on apprend à vivre ainsi, on apprend à mourir humainement car nous sommes moins attachés aux choses terrestres et nous avons appris à nous connecter avec les cieux.
Complément : Le paradoxe de la quête de richesses
Si notre seul but c’est l’enrichissement sans la volonté de contribuer positivement à notre environnement, on risque de perdre un levier de motivation important. La réussite matérielle s’accompagne d’aléas qui doivent être surmontés par un réservoir moral voire spirituel. Si seule la cupidité nous anime, il y a peu de chance qu’elle nous maintienne éveillés longtemps pour réaliser nos rêves. La sécurité matérielle n’est le plus souvent que la conséquence d’avoir viser plus haut, qui se révèle être un idéal moral.
“Pour atteindre la lune, il faut viser Mars”.
Quelle est votre planète Mars inatteignable (car il s’agit d’une valeur morale ou spirituelle absolue telle que la liberté ou servir Dieu par exemple) qui vous permettrait d’arriver sur la lune (votre réussite matérielle) ?
Sans la volonté d’atteindre un absolu, il y a moins de chance que vous arriviez à toucher du doigt une réalité tangible impressionnante.
En réalité, souvent (mais pas toujours), les plus grandes réussites matérielles (profanes) se basent sur des intentions non matérialistes qui trouvent leurs sources sur un socle moral ou spirituel (sacrés) sans quoi les sacrifices à consentir pour y arriver ne verraient jamais le jour.
Réflexion intéressante, merci ! Je suis tout à fait d’accord sur le fait que souvent, la vie n’est qu’une succession d’objectifs. Et qu’il est alors vain (voire dangereux) de vouloir remettre son bonheur à “plus tard”. Celui qui a traversé sa carrière en avalant les objectifs ou autres priorités aura probablement bien du mal à ne rien faire en mode “farniente” une fois la retraite arrivée !
J’aime beaucoup cette distinction entre le profane et le sacré … une vraie réflexion existentielle que nous devrions avoir envers nous-même. J’utilise également le terme divin, c’est à dire trouver le divin au fond de nous par l’introspection … tout un programme … de toute une vie …